Le Sud-Lipez, la traversée du désert

Le Sud-Lipez. Un nom de région à la connotation teintée d'aventures et de volcans, de lacs et de rêve. Promesse tenue ?


C'était le désert, c'était déjà il y a presque trois semaines. Je n'avais plus d'encre dans mes crayons et plus de batterie dans mon portable alors maintenant je dois compter sur mes souvenirs pour vous rapporter cette expédition.
Avec mon vélo, nous l'avons traversée en direction du nord du Chili : une semaine très intense. La traversée du Salar n'était qu'une mise en bouche. La région sud-ouest de la Bolivie est particulièrement reculée. Au Nor-Lipez, le quinoa est la principale activité économique. Puis plus au sud, personne n'habite, seul le tourisme laisse des tâches humaines dans le désert. L'environnement y est particulièrement protégé. Le climat est rude et froid, très froid (-20° l'hiver), haut, très haut (je pédalais parfois à 5000 mètres). L'aventure a été inoubliable !


Avant de partir, après le Salar, repos et remise en forme de la bicyclette s'imposaient. J'arrivais complètement épuisé à "Colcha K", chef lieu région où pourtant je ne trouve même pas un restaurant pour vous dire sa taille. Mes deux portes-bagages avant sont cassés, je crève et j'arrive en poussant mon dardas, je suis fatigué.
Je me repose deux journées chez Mathilda, une tenancière affable qui me cuisine matin et soir des petits plats (il me coûte moins cher en Bolivie de manger au restaurant que de cuisiner). Les spaghettis ou le quinoa sont toujours précédés d'un bouillon aux légumes.


Puis, chargé de nourriture et de huit litres d'eau, je me mets en route. J'attaque la piste, la vraie ! Les paysages sont grandioses : de larges bandes rouges et jaunes rappellent en permanence que la région ne vit que du quinoa. En cette période, la graine atteint sa maturation. Le peuple Quechuas qui la cultivent coupent les pieds et les forment en grands tas pour la sécher.
Au milieu de ce désert je distingue une seule forme noire sur mon chemin, un paysan au visage couvert, Jonathan. Il travaille sur sa parcelle sablonneuse et me confie l'intérêt de cultiver ce nouvel or bolivien. La demande étrangère est forte depuis une dizaine d'année, l'inflation incroyable. Dans ce pays où elle était la base alimentaire personne n'en mange plus, seuls les cultivateurs et les très riches se le permettent. Le prix a explosé : 3.50€ le kilo au moins cher contre 0.60cts d'€ pour le riz. Les joies de la mondialisation.


Ça y est, les premiers volcans m'entourent. La piste quasi invisible s'enfonce dans le grand plat, une cuvette entourée de volcans. Bientôt le vent me freine violemment et je n'ai plus qu'à me réfugier dans mes rêves pour évincer l'omniprésence de la lutte physique.



J'atteins Chiguana alors que le soleil rasant brûle les flancs des hauteurs. Dans le lointain, les montagnes se chevauchent en ombres chinoises. Les rares nuages se parent de jaune. Alors un village abandonné se dessine à l'horizon. Il faut s'imaginer le rapport à la distance qu'entretient le désert pour comprendre la sensation de mirage que la vision procure. Des maisons de terre sans toit près du chemin de fer, des wagons décharnés... Il y a eu de la vie, un jour. À côté, des murs de terre à créneaux défendent de grands champignons qui semblent tirés de Tintin et l'île déserte. Un camp militaire décrépi cache quelques jeunes recrues et sans avoir eu mon mot à dire, me voici parmi les hommes en treillis. On discute, on rigole et l'adjudant me montre un matelas pour passer la nuit au chaud après un café brûlant et du pain.



Le lendemain, vrai premier jour de difficulté dans le Lipez. Ses problématiques accompagnent sa beauté. J'ai quitté mes amis militaires et fait le plein d'eau à la cuve sur le rail. Je me sens lourd !
Ce fut d'abord bien. Un petit chemin pour moi tout seul, impossible de deviner dans les quelques traces quand est passé mon prédécesseur. Les volcans aux sommets chantilly se dressent pour mes seuls yeux, la grandeur... Au loin le lent train passe, seul mouvement, il va au Chili.
Ça y est la piste devient meuble de sable, impossible de garder mon équilibre, ma roue se braque et me voilà le pied à terre... Inlassablement.



La montée maintenant. Un vrai wanderer n'avance que grâce au but qu'il s'est imposé. Le mien est d'atteindre le belvédère là-haut pour manger ce midi. 350m de dénivelé, 10km... Plus de trois heures et demie. Tout à pied, tantôt tirant, tantôt poussant le vélo transformé en fardeau. Le terrain est chaotique de pierres, de creusets et de sable. Sur les bords c'est pire, les arbustes ras tendent leurs épines aux chambres à air.



Enfin je mange. Je lis Tesson avec bonheur, m'engage à apprendre À la musique de Rimbaud... J'ai un panorama somptueux : le salar de Chiguana où paraissent pousser les volcans.
Déjà je rattaque, c'est pourtant plus dur que jamais. Au terme d'intenses efforts, le col se dévoile. Devant moi s'allongent une étendue infinie de ces petits arbustes et touffes d'herbes, de nouveaux volcans se découvrent pour mon plus grand bonheur. C'est la récompense de mes efforts, la promesse qui entretient la motivation !


À perte de vue... une couleur verte si particulière, un soleil qui éblouit, se cache, embrase les pics des volcans enneigés et découvre les courbes des vallons où paissent les vigognes sauvages. Le soir tombe, un musée en construction sur le bord de la route me gardera à l'abri pour cette nuit aussi. Encore bienvenu.



Une drôle de journée que le lendemain... drôlement belle, drôlement incroyable, drôlement simple... qui commençait drôlement mal. Alors que je luttais contre le vent pour avancer sur un faux plat descendant, un car me dépasse à toute allure et la poussière qu'il soulève me fait fermer les yeux. Déport sur la droite, tôle monumentale dans le fossé. Vingt minutes plus tard et plus loin, je me rends compte qu'une gourde est tombée pendant la chute. Or l'eau c'est précieux : demi-tour.



Le rêve auquel je gouttais devait forcément être terni. Depuis quelques années, à la faveur d'internet et dans le creuset des influenceurs Instagram, le Sud-Lipez destination "hors des sentiers battus" en est devenu un. Toujours plus nombreux, les guides chiliens et boliviens achètent des jeeps et filent au travers du désert. Une aubaine pour le business, un vrai fléau pour le paysage. Leur vitesse et leur non-respect de la piste dégradent le désert jusque là vierge. Les espaces immaculés sont maintenant lacérés par les pneus. Ceux-ci détruisent les herbes rares, seule source de nourriture des vigognes, espèce en voie de disparition.





S'impose à moi la fracture entre mon mode de voyage et le leur : la lenteur et la vitesse. Pour cette majorité de touristes occidentaux, deux jours suffisent à traverser cette région et revenir à la Paz. Dix minutes d'arrêts top chronos devant les "attractions" et zou !
Moi, j'espère sortir de là en moins d'une semaine et demie, faute de quoi je n'aurais plus de nourriture.

Pendant ce temps, sous l'oeil calme des volcans, je continue de traverser des étendues de sable, des gorges, des monceaux de laves solidifiées. Le soir je m'installe du mieux que je peux à l'abri du vent qui souffle quotidiennement après 14h. Face aux lacs blancs, bleus, verts, j'arrime ma tente avec pour  compagnie les flamands roses et les vigognes. Ils sont les seuls êtres vivants après 16h, quand tous les 4x4 ont coupé leurs moteurs, bien loin.
Il fait -10° au coeur de la nuit. L'intérieur de la tente gèle. Tous mes muscles se contractent durant des heures et je rattrape un peu de sommeil à la chaleur des premiers rayons du matin.
Il faut gérer la nourriture, l'économiser, mais également bien se nourrir tant le corps est soumis à de fortes exigences. Je manque certainement de protéines. Je ne ressens la faim jusqu'à parfois "oublier" de manger et me retrouver au seuil de l'hypoglycémie, c'est un des effets de la très haute altitude. J'évite le pire lorsque les quelques auberges à touristes où je me réfugie me servent une plâtrée.











Plusieurs lieux me restent en mémoire : le désert de Siloli, l'arbre de pierre (une formation rocheuse taillée par les vents millénaires) la laguna colorada, d'une couleur rouge sang dûe à de microscopiques algues. On dirait même qu'elle est recouverte de banquise par endroit, mais ce n'est qu'une épaisse couche de borax.
C'est donc ici que, dans un hôtel, les touristes qui partent tôt le matin embarquent ma batterie externe à recharger, me laissant sans GPS, sans appareil photo, et sans note... On va s'amuser. Je monte à 5000, un champ de pierre m'entoure, le vent se lève, je casse un autre porte bagage, les jeeps passent loin à une allure folle, sans s'arrêter. C'est rude. Le moral n'arrive plus à soutenir le physique.
J'arrive au geyser où le sol est chaud, les vapeurs de souffre aigres et agressives. Puis, enfin, une descente sur une piste praticable. Devant moi, le coucher de soleil le plus impressionnant qu'il m'ait été donné de voir : une vallée s'ouvre sur un lac bleu, au fond les flancs des montagnes dorées échancrent l'horizon pendant que je dévale à toute allure.
















Ce soir je dors au chaud face à ce lac. La petite tenancière me fait à manger, cinq portions de pâtes qu'on me resserre. C'est assez ? La particularité de ce lac c'est qu'il est réchauffé par des sources d'eaux chaudes et le soir je me glisse dans l'eau brûlante, la tête renversée vers les étoiles. Magique.


Le lendemain, poussé par une motivation, je m'élance vers le sud. Le désert de Dali d'abord, puis les impressionnantes lagunas verde et blancas, dont une à la couleur d'un lagon.


Ça y est je quitte ces larges vallées bordées de grandes montagnes après les avoir longuement contemplées. Le poste frontière bolivien n'est qu'une petite maison en terre, un peu à l'image du pays. Au dessus, le volcan Atangagua est immense, d'autant plus qu'à son pied ce n'est plus l'altiplano mais le désert chilien, à quelques 2000 petits mètres d'altitude. Après avoir passé le poste frontière chilien, je me lance dans cette descente incroyable : 2500m de dénivelé sur 35 kilomètres, un vrai bonheur.







San Pedro de Atacama. La rupture est nette... Après plusieurs mois d'altiplano, de Pérou et de Bolivie, me voilà dans un Chili plus que touristique, les prix ont quintuplé, il n'y a que des bars à burgers et des agences de tours.
Cette traversée du Sud-Lipez aura durée une semaine. La dernière expérience du voyage aussi forte physiquement, la plus impressionnante pour le milieu naturel, les paysages et une biodiversité que je n'oublierai jamais. Le Sud-Lipez est une des régions les plus belles que j'aie vu. Allez-y ! Mais allez-y bien :)


Commentaires

  1. Quelle épopée Germain ! Tu es allé au bout de l'aventure et ... au bout de toi !
    Une initiation ? En tous les cas, un témoignage fort d'endurance et de persévérance : que cela t'accompagne sur ta route

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  2. Bravo, tu ne t'attendais peut-être pas à une telle aventure tant tu semblais partir en dilettante mais tu as assuré et tu m'a enchanté même si ce n'est rien par rapport à toutes les émotions que tu as ressenties, chapeau bas pour cette belle leçon de vie.

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  3. Ça alors, Germain tu enchaînés les prouesses et les défis sans arrêt sur ce continent ! Nous sommes quant à nous sur un chemin de saint Jacques en Castille. Nous pensons bien à toi et serons heureux de te revoir à ton retour. Bises de Anne marie et Hernan

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