Portrait - La famille Atmani


La famille Atmani ou les choix de vie.

Edgar racontait dans l'article précédent comment nous avions joyeusement échoués 5 jours durant sur la plage radieuse d'une famille marocaine. Alors que la Colombie nous fait le cadeau de rencontres incroyables qui ne se comptent plus sur les doigts d'une main, une particulièrement marquante s'est ajoutée, et cette famille, il faut que je vous la présente.


Imaginez vous une femme si chaleureuse que vous avez immédiatement l'impression de la connaître depuis vos lointaines années d'études. C'est Kika. Elle rayonne en toute circonstance si bien qu'immédiatement tout est agréable. Anouar son mari, vous accueille d'une bonhommie radieuse et d'un rire éclatant, nous met à l'aise « ici c'est traaanquille », et hop, on baigne dans le bain Atmani.
Derrière, trois enfants, qu'on appelle plus enfants à ce niveau de maturité et pourtant la brochette se constitue comme suit : Meïssa 15 ans, Medhi 13 et Maya 12. A l'âge de la plus grande je cherchais comment faire une sarbacane avec un effaceur, et elle, me dit qu'elle aimerait lire le manifeste de Marx et Engels. Tandis que la plus jeune m'apprend à jouer aux échecs, Medhi m'épate par son niveau scolaire.
Oui ils parlent tous cinq langues couramment... mais ils ont aussi des défauts zut ! Par exemple, la fâcheuse manie de cuisiner comme des pieds. Pizzas et baguette maison, tajine, sushis, crumble, légumes au wok, bref, tout ce que nous, petits Français qui nous délectons de riz depuis trois semaines, détestons.

Bon tout cela vous paraît fort intéressant, mais vous ne vous demandez pas comment, au fin fond des montagnes colombiennes, nous en sommes arrivés à vivre chez une famille marocaine comme celle là ? Bon pour nous, vous savez qu'on arpente le pays et qu'à mesure des rencontres et conseils, on a atterri dans ce village indigène de la bien nommée région « Suisse des Amériques ».
Mais eux, ici ?

Pour ces deux Marocains tout part d'un mode de vie classique, ou presque (puisque rien ne l'est vraiment chez eux).
Anouar est cadre très supérieur pour plusieurs marques de cosmétiques que vous voyez tous les matins dans votre douche. Après des études de maths en France il grimpe les échelons du commerce et côtoie la pression et les voyages permanents, les choix draconiens et les attentes des grands patrons. Un quotidien difficile qu'il ne renie pas complètement, il lui a ouvert bons nombres de portes et la manne financière est intéressante.
Pour sa part, Kika débute par l'école hôtelière de Lausanne. A 24 ans, elle gère seule un hôtel parisien et mène une vie à cent à l'heure. Elle se retrouve ensuite dans les ressources humaine appliquées à l’hôtellerie, puis devint chasseuse de tête.
Le couple se rencontre tardivement « quand on est un produit fini » souligne Kika. Ils côtoient les hautes sphères de Casablanca et d'ailleurs.

Je ne sais pas ce que c'est que d'avoir des enfants, mais apparemment ça fait tout drôle, pour eux on peut parler de prise de conscience. Ils ont la quarantaine ou presque et se rendent compte que la vie file un peu plus vite que prévue. Et de leur rythme, ils n'en veulent plus, surtout avec trois marmots. Déjà dans leurs têtes naît le projet de coupure totale pour vivre pleinement leur rôle de parents. Oui on parle bien de voyage et l'inscription des kids à l'école espagnole de Casa est loin d'être un hasard.

Le voyage apparaît comme une solution. Ils ont 7, 8 et 9 ans, et le projet longuement réfléchit accouche enfin. Tout lâcher, je dis bien tout ! Et partir trois années explorer l'Europe et surtout l'Amérique du Sud dans un camping-car Mercedes magnifique.
Bon, pour des Marocains l'idée qui nous paraît déjà folle l'est encore plus. Elle est quasi suicidaire. Pour deux raisons : Au Maroc comme ailleurs, l'accumulation de biens apparaît presque comme une finalité pour le futur de la famille. Et dans l'entourage, autant vous dire que ça grince des dents. Par ailleurs, le passeport marocain n'ouvre pas vraiment toutes les portes, et bien souvent, obtenir un simple visa est un chemin de croix. Kika grimace encore à ces souvenirs.

Mais dans leur éternelle fougue, et d'un projet si inédit, naît tout un mouvement au Maroc pour suivre « le Projet Khmissa ». Ils reçoivent un soutien institutionnel de l'Etat marocain pour faciliter leur entrée dans les pays, parcours les plateaux télé et zou, les voilà sur la route.
Trois ans de découverte de l'Amérique latine, de galères, d'amitié partout où ils passent, de cours à la maison les matins, un blog, des vidéos, bref un voyage inoubliable. Nous avoir à la maison ainsi que d'autres voyageurs provoque des petites plaintes comme « maman... c'est quand qu'on repart ? ».

Au retour, ils rencontrent le roi du Maroc, c'est bien, mais reprendre une vie normale ? Pas vraiment.  Leurs cœurs sont restés dans un petit endroit d'un continent lointain, aussi appelé la « Suisse des Amériques », ils avaient passé trois semaines et ça ne les avait pas laissé indifférents. Et les voilà à imaginer un projet plus fou encore que vous aviez deviné : s'installer là-bas.
D'une maison d'un ancien chef du cartel de Cali ils font acquisition et sur son terrain fertile de trois hectares germe des idées de permaculture et d'accueil de voyageurs. Tout ce qu'ils ont reçu durant ces trois années ils le redonnent à tous ceux qui traversent le petit village où ils sont perchés, sur le haut, entre deux vallées où en bas coule un petit rio, qu'on entend si on tend l'oreille sur le bout du terrain.

Et je peux vous dire qu'avec l'accueil, les Atmani ne rigolent pas, l'amour si fort dans cette famille éclabousse tous ceux qui les approchent et nous en avons fait les frais... c'est les larmes aux yeux que nous les quittons.



PS : Les Atmani vivent à La Estrella dans la région de la Cauca, si d'aventures vous passiez en Colombie, faites le nous savoir, il serait dommage de ne pas les rencontrer.

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