Entre le Pérou et la Bolivie

La fin du Pérou, un parc national majestueux, le Titicaca et le passage en Bolivie; voici ce qu'il vous attend dans cet article des extraits de carnets de bord.


Le duo An'danseuse enfin réuni s'est remis en route un beau matin de février. Poussant sur les pédales et la mécanique fraîchement graissée nous nous sommes élevés au dessus de la ville blanche d'Aréquipa et de son brouillard de pollution. La métropole est à flanc de volcan, avec son fier Misti culminant à 5822m. Il est en toile de fond de nos trois premiers jours de grimpette. On s'élève des 2300m citadins aux 4300m d'une lagune signant la fin de la montée.









Edgar passant de la côte californienne aux hauteurs péruviennes subit de plein fouet les effets de l'altitude et trois jours d'adaptation seront nécessaires pour faire passer mal de crâne et autres faiblesses. Mais une fois là haut, nous débarquons dans un univers dont nous ne sortirons pas indemnes. Il y a une beauté de nature hors-norme avec, en premier lieu, ce lac d'altitude entouré de monts enneigés et de plaines interminables. Sur les bords vadrouillent des hordes d'alpagas gardés par quelques hommes; les seuls que nous verrons dans cette région.






La réserve naturelle Aguadas y salinas blancas

Sur les flancs des collines apparaissent sporadiquement quelques vigognes. Ces camélidés sont de la même famille que leurs cousins domestiqués alapagas et lamas. Ils ont des caractéristiques un peu spéciales : plus sveltes, ils sont perchés sur de fines jambes et dotés d'un long cou qui s'aligne horizontalement avec leurs corps lorsqu'ils se mettent à courir.



Ainsi, cette réserve va nous émerveiller pour sa faune et sa flore. Magnifiquement protégée, elle est le refuge de toutes sortes d'oiseaux que nous n'avions jamais vu, de toutes les formes et couleurs. 

La beauté est aussi dans le ciel. En cette saison des pluies les cumulonimbus viennent se plaquer contre la barre de volcans que nous avons passée avant de rouler vers nous, vers l'altiplano. Ils sont grands et noirs, tout gronde et éclate, c'est effrayant. En cette fin d'après-midi, nous roulons sans discontinuer, fuyant le noir et le vent sur les chemins de terre. Puis quand le ciel nous menace trop nous montons la tente entre quelques murets de pierres sèches. Dans cette chambre de rêve, le plafond s'embrase pour un coucher de soleil comme nous n'en avions jamais vu. 

Le village que nous avons croisé aujourd'hui est quasiment désert. Vingt personnes y survivent dans l'altitude et le froid, travaillant à la mine ou gardant leurs alpagas. Une ambiance de vide accomplit règne et imprègne nos pupilles extatiques.







Demain est une journée comme un rêve. Personne, ou très peu. Les grands espaces dégagés placardent une beauté ostentatoire à 360°, seuls de lointains monts enneigés semblent être les gardes au-delà de la plaine. Les ravines sablonneuses et profondes dessinent le système sanguin de ce grand corps battu par les vents, brûlé par le soleil d'altitude et imbibé de l'orage d'après-midi.

Je crois que nous avons emprunté les plus belles pistes du voyage. Des chemins doucement descendants, rapides, droits, traversé d'eau claire que les roues éclaboussent à nos passages rapides. Un petit village, de la nourriture... Nous étions faibles d'un grand manque d'énergie. L'altitude faisant, le trop peu que nous mangions vidait nos jambes. Une razzia bienvenue au milieu de rien.








Encore une fois, le ciel noircissant nous pousse à toute vitesse sur la piste, nos jambes gonflées de forces ne pouvaient s'arrêter à midi. Le col est à 4600 mètres. Nous ne trouvons pas à camper à son pied et nous engageons l'ascension, discutant pour tirer nos esprits du repli sur l'effort et la douleur physique.
Le voyage à vélo est la bénédiction du corps, la vie saine lui est intrinsèque. Nous nous sentons physiquement et moralement bien, et sommes parfois même pousser par quelques vents favorables. La vie saine n'a comme seule drogue stimulatrice l'inconnu derrière le virage. L'attente, la curiosité violente pincée d'imagination, tout pour pousser suffisamment sur les pédales, passer le virage. Découvrir.


La joie s'empare de nous, Edgar cri, je souris. Nous sommes sur l'altiplano : derrière nous la vallée sans fin, ses volcans et ses dessins s'étendent pendant qu'un plat lui aussi infini se confond dans le ciel noir en face. L'orage est si proche qu'on semble pouvoir caresser ses limbes nuageuses qui tâchent doucement de neige les lacs et collines à une brassée de kilomètres de là. Des éclairs impétueux s'acharnent à cisailler la chape de plomb qui écrase tout. 

Ce soir, la tente comme un roc, défie le vent sur la corniche qui supervise la vallée mais fait le dos rond devant l'immensité de l'altiplano.




Une journée folle ? Encore ? Elle commençait pas un col à 4760, d'une descente dans les vallons tout juste ponctuées de petites bergeries, de sédimentations rocheuses étonnantes et de rivières dégoulinantes. Sous nos roues s'enfuient les chinchilas qu'on tire de leurs pierres chaudes, comment vous les décrire autrement que comme un mixte entre lièvre et écureuil.

Tincopalca est niché en contrebas. Un petit village d'éleveurs, à la culture Aymara, aux femmes sacrément vêtues et aux gosses souriants. Sur la place écrasée par le soleil, ces dames nous servent une assiette grassement fournies en pâtes, pommes de terre et poulet. Aussi bon que mérité. Tout comme la baignade plus loin dans une combe, où coulait un ruisseau de paradis. La fuite rieuse de l'eau dans sa rainure de d'herbe grasse et courte rappelle les plus belles rivière que vous pouvez imaginer.








Au lendemain, nous ne sommes plus au Pérou mais dans les Highlands écossais. Je ne dis pas ça pour l'épaisse couche de glace qui peint tente et vélos, mais pour les décors tout en lacs et en collines vertes de roches et de plantes rases. Nous évoluons parmi les truites, prenons de la hauteurs au dessus des bleus, débarquons devant des immensité d'eau encore plus belle, seuls, toujours, privilégiés par la nature. S'entame finalement notre descente, une coupure douce, un atterrissage après six jours en l'air, la tête dans les nuits étoilées et les beautés nébuleuses. Juliaca sera notre ville hôte avant le Titicaca. 








Le lac Titicaca



C'est encore une fois un virage qui nous l'a offert. Nous avons découvert ses rives escarpées et sa grandeur tout à fait impressionnante, alors que nous n'étions que dans une petite anse. C'est dire comme ce lac prend des allures de mer quand, par endroit, nous ne distinguons plus les rives lointaines.



Plus de 8500km2, c'est sa superficie. 893 milliards de mètres cubes d'eau. Bon tout ça n'est pas très parlant, dîtes-vous qu'avec ses eaux claires, ses roches jaunes et sa végétations d'eucalyptus nous nous sommes cru sur les bords de la Méditerranée.
Pour remplir tout ça, vingt-cinq rivières descendant des monts enneigés et grossies par les pluies.

Culturellement, historiquement, le lac est central pour les autochtones. La civilisation Aymara en dépend totalement pendant que Viracocha, principal dieu des Incas y est né. Les mythes sont chevillés aux eaux claires du lac. Les îles portent leurs noms : l'Isla del sol, la principale, d'où  que Viracocha à fait naître le soleil, c'est aussi lui qui a fait naître les tribus des Andes, leur donnant territoire, costume et langue. Les indiens Uros par exemple sont réputés pour vivre sur des îles flottantes sur le lac, vivant de la pêche. Ils sont un des rares à concentrer leur activité sur le lac même. Sur notre route nous n'avons croisé majoritairement que des Aymara qui cultivent les abords humides du lac pour en tirer légumes et quinoa.

Nous avons donc choisi le passage par le nord du lac (fort heureusement). Très peu usitée, la route traverse les communautés qui s'étendent sur les rives magnifiques. Nous n'avons pas vu de touristes depuis Arequipa et traversons des villages si typiques qu'on n'aurait pu les imaginer. Dans l'un d'eux, alors que nous cherchons à manger, Rofina, forte Ayamara aux mains de fer sera notre tenancière. Sur la place en carré, elle tient un petit stand où elles remplies ses assiettes de chicharon de carne avec une variété de pommes de terre du lac et des légumes. Nous discutons 45 minutes, le temps qu'elle nous resserve à volonté : "Pour que vous vous souveniez de moi !" Ah, ça oui Rofina.






Imaginez une frontière seulement constituée d'une barrière que nous devons nous même pousser. Après avoir tamponné au Pérou, dans la petite ville de Tilali, nous grimpons sur les flancs du lac gonflés de soleil. Un petit garçon nous accueille en Bolivie, et la route asphaltée cède la place à une piste de terre. Les maisons aussi sont en terre, tout devient tout de suite plus rural, authentique mais l'adjectif ne convient pas pour marquer combien la pauvreté est plus nette. La Bolivie est le pays le plus reculé d'Amérique du Sud. Mais la chaleur de ses habitants, sa culture et sa beauté vont nous faire un bien fou après le Pérou.

En général, ces derniers moments pleins de beauté au Pérou nous ont permis de partir sur une note positive que la durée du séjour avait quelque peu entachée. La beauté de ces derniers paysages et la gentillesse des gens rencontrés là haut nous laissent de beaux souvenirs. 

Commentaires

  1. Touchée par la beauté et la force qui se dégage de cet article . Merci et félicitations à votre duo !

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  2. Vous cinglez tous rêves dehors où l'esprit danse avec le corps dans la symphonie d'une terre humaine et vous m'enchantez.

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