Parc Huascaran, à vélo au plus près des sommets !

Le parc Huascaran dans la Cordillera Blanca, plus haute chaîne de montagne au monde après l'Himalaya et plus hauts sommets tropicaux du monde. Les Huascaran Sur et Norte surtout, les deux plus hauts pics péruviens qui donnent leurs noms à ce parc national et donc à la boucle vélo qui le traverse.



Décider d’attaquer la boucle du parc national Huascaran c’est avant tout relever un défi. Le parcours nécessite un peu de motivation. Il faut dire que traverser deux fois la cordillère à vélo pendant six jours c’est pas rien; d’autant plus quand les cols sont à 4700 et 4900 mètres... 
Un tour de 300 kilomètres donc, avec une majorité de pistes défoncées. Six jours d’autonomie qui débutent sous la pluie en cette période hivernale.







Jour 1

Je suis parti pour les premiers kilomètres de plat ce matin avec Andy. Ce Sud-africain voyage aussi à vélo et nous prenons plaisir à partager la route jusqu’à ce que je bifurque vers le parc Huascaran dans la ville de Carhuaz et son beau marché. 






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J’attaque donc mes 1000 premiers mètres de dénivelé en direction de l'entrée du parc. L’asphalte me facilite les choses et j'en profite tant qu’il y en a. Le soleil tape allègrement, la belle journée et les sommets enneigés qui apparaissent sporadiquement me remplissent de joie.

Je me sens pourtant faible et à la pause dej j’ai du mal à repartir. Un petit coup de mou sans doute dû au mois entier passé loin de la selle (a quelques exceptions près). En effet du Pérou nous n’avons pour l’instant fait que la côte, les déserts qui la bordent nous faisaient préférer le bus.

La route serpente entre des petits villages ruraux, j’aperçois les femmes bariolées de leurs traditionnels costumes dans les champs, portant parfois des brassées d’herbe. Le cochon familial est attaché sur le bord de la route, tout est calme. 






Tout est calme et je suis toujours fatigué. Quand j’émerge de la sieste fort bienvenue sur l’herbe grasse, des nuages noirs se sont amoncelés sur le pic à main gauche. Alors que j’attaque mes derniers lacets avant l'entrée du parc, l’air électrique explose et j’ai tout juste le temps d’enfiler ma cape que le ciel s’abat sur moi. Ce sont rapidement de violents grêlons qui crépitent sur la cape alors que je tente de pédaler sur une route qui devient glissante et chaotique. Le ciel est noir comme les montagnes devant moi, mais derrière la vallée est éclairée et les rayons percent, le spectacle est sensationnel. 







J’ai beau être équipé, j’arrive complètement trempé à 200 mètres du poste de contrôle du parc. Au bord du torrent, la combe offre un parterre horizontal. J’y plante la tente sous la drâchée incessante et essaye de me réchauffer à l’intérieur. Du pain, du fromage et quelques légumes, ce soir je dors dès que j’ai fini ces lignes, mes vêtements trempés dans le duvet... on espère que demain tout séchera mieux !



jour 2

Sans doute une des journées qui restera gravée dans ma mémoire tant elle a oscillé entre rêve et cauchemar. 
Je me suis réveillé au bord de ce torrent laiteux, humide jusqu'aux pieds. 
Tout est si trempé de la veille que j’ai mal au cœur de plier ma tente dans cette état. Il fait 3°, je suis en polaire et tout réside dans ma capacité à m’activer.
J’entame les premiers coups de pédales dans cette grande étendue d’herbe gardée de parts et d’autres par des monts comme des dorsales. Les premiers rayons embrasent la plaine, la cascade et les pâturages. Je mange dans un coin de route pendant que mes fringues prennent le soleil.







Plus j’avance plus la face montagneuse face à moi dévoilent des lacets acérés. Je rejetais aveuglement la possibilité d'avoir à les grimper... Jusqu'à me retrouver devant. Il y a 900 mètres. S'engage un bras de fer où la difficulté et le manque d'oxygène ne sont palliés que par la beauté du paysage et le savoir-faire péruvien des routes de montagne. En effet le pourcentage n'est jamais élevé mais les lacets sont en contrepartie interminables. 




Pour autant je prends vite de l'altitude et mes efforts sont récompensés mètres après mètres. Je n'apprends d'ailleurs pas de mes erreurs tant je m'arrête à chaque virage prendre la même photo que le virage d'avant, toujours plus impressionnante... 






Imaginez la grandeur de ce qui s'étend devant moi. Les monts les plus hauts du Pérou capitonnés dans la brume surplombent une vallée immense, là bordée de falaise, ici de glaciers, partout la beauté.






A cet instant de souffrance, je me dis que cette boucle ne sera pas pour moi et qu'une fois atteint le col, cela consistant déjà un bel exploit, je redescendrais joyeusement contenté, au moins sevré. Jamais je ne me serais douté que je ferais le trajet en cinq jours. 

Alors que je pédale maintenant au niveau des glaciers, mangeant parfois un Snicker pour la forme et buvant beaucoup d'eau des torrents glacés, je déboule sur le dernier lacet qui m'amène devant le tunnel.
Le col de Punto Olimpico constituait mon but du jour : 4700mètres d'altitude pour le tunnel le plus haut du monde. Mais m'enfiler dans son kilomètre de noir humide et suintant aurait été trop facile... L'ancienne route passait, elle, par dessus. Vraiment. Quelques kilomètres d'un chemin aussi pierreux que neigeux que je me devais de tenter pour réellement passer ce col à 4913mètres !







"Courage, je mangerai derrière", que je me dis, poussant mon vélo à la force du petit-dèj pris six heures plus tôt. Mais l'effort devient presque sur-humain, outre le fait d'avoir le souffle diminué, le chemin n'est qu'éboulements et plaques de neige. Puis s'ouvre une travée dans la roche, derrière, la vallée tombe. Je l'ai fait !





Les lacets descendants pour rejoindre la sortie du tunnel sont loin d'être meilleurs. Mes freins sont en bout de vie et la force me manque cruellement. Il y aurait un refuge au creux d'une combe, vivement que j'y arrive. Pourtant après plusieurs minutes de descente je me rends compte qu'il me manque une chaussure accrochée à l'arrière, altitude et manque d'énergie me font sûrement délirer et je remonte à pieds jusqu'au col au terme d'efforts qui me coûtent. Je les trouve 15 mètres derrière le vélo...

Tout se serait bien passé si j'avais trouvé le refuge en surplomb de cette lagune peinte en bleu par le glacier qui l'alimente quelques mètres plus haut. Mais introuvable... Je suis à la sortie du tunnel, 30  kilomètres me séparent de la ville de Chacas où je souhaite dormir et là tout se met en branle, les premiers flocons tombent.



Je me hâte d'enfiler de quoi me tenir sec et au moins au chaud, c'est encore humide de la veille et la froid croche dans les interstices. Je renoue avec la vitesse dans les premiers virages asphaltés mais tout devient problématique : mes freins ne freinent plus rien, sur la route deux centimètres de neige s'amoncellent dangereusement et le froid est en train d'anéantir mes doigts dans les gants humides.
Après une demie-heure de lutte et de freinage des quatre fers pour négocier les virages, j'ai si froid et mes doigts ne répondent presque plus. Je me pose de sérieuses questions et la peur commence à me gagner. Je n'arrive presque plus à m'arrêter complètement et les virages sont en tête d'épingle, il ne s'agit pas de chuter. Impossible d'arriver en bas dans ces conditions, ni d'ailleurs de monter la tente, mes doigts ne répondent plus et mon cerveau est à court d'idée. Je n'ai aucune solution, j'ai froid et je hurle pour me donner une once de courage.
Il s'est alors fallut d'un petit miracle pour me tirer d'affaire, un minibus local, les colectivos, passe et improbable, il est vide ! A mes grands signes il stoppe. Me voilà à Chacas, trempé, fatigué, soulagé.





Je dors ce soir là dans la paroisse Don Bosco du village. La particularité de ce pueblo montagnard, parmi les plus beaux de la région, c'est les prêtres italiens venus dynamiser la vallée depuis plus de trente ans. En relançant l'artisanat ils souhaitent tirer les gens de la pauvreté et endiguer l'exil des plus jeunes. Les maisons du villages sont donc parées de magnifiques balcons en bois ouvragé.
Plus de trente volontaires italiens sont là ce soir, je partage un repas transalpins avec eux, mon premier de la journée avant d'aller m'écraser dans un des dortoirs. Quelle journée !

Jour 3

"Le plus dur !", qu'on m'avait annoncé. Le col est "seulement" à 4000 mètres mais pour y arriver c'est de la piste ! Alors après avoir bidouillé mes freins sur la belle place de Chacas, ça repart ! Descendre à 2600 mètres pour remonter n'est pas forcément très excitant mais finalement je prends du plaisir à grimper sur ces chemins de terre et de pierre au milieu des petits champs et villages d'agriculteurs. La région est sans doute une des plus reculées des Andes et les villages sont ravissants. Ici les gens s'en sortent avec un petit lopin de terre. Leurs maisons sont construites de terre et sable mélangés, la plupart peinte aux couleurs d'un représentant local au sortir de la période d'élections municipales (octobre 2018).




J'enchaîne les lacets, mes roues dérapant sur la rocaille, j'ai perdu beaucoup de temps à midi en voulant cuisiner des pâtes car le réchaud à l'essence était mal en point, sans doute le combustible a dû être coupé à l'eau. J'arrive pour autant à l'endroit où je souhaite dormir, un virage dans les champs entourés de murs en pierre, au pied d'un glacier.



Jour 4

Mû d'une énergie débordante j'ai avalé le dénivelé et les kilomètres sur des pistes toujours plus mal en point pour quasiment finir cette boucle.
La journée commençait par passer le col à 4000. Je suis sur un plateau de pâturage où les femmes gardent le bétail en filant la laine.





La vue au sommet plonge sur cet endroit protégé, c'est magnifique. La redescente au milieu des sapins n'est entachée que par une crevaison. A midi je suis encore une fois au plus bas de la boucle et rattaque la dernière montée vers le col à 4700. Sur le chemin, des torrents qui dévalent la montagne, des femmes qui écossent des coques et le grand bleu du ciel qui me garde heureusement au sec.
Nous sommes le 31 décembre et je ne sais où je passerai cette Saint Sylvestre mais je suis bien décidé à monter le plus haut possible. Alors j'y vais, j'avale les lacets dans cette grande vallée magnifique, bordée de monts enneigés, je m'arrête juste le temps que les derniers rayons me laissent monter la tente et allumer un petit feu de bois dans un décors de rêve. A 4500 mètres, devant un lac bleu au fond sablonneux, se découvre en arrière plan un mont splendide que viennent caresser des lumières oranges et roses du soleil qui semble faire ses salutations après une journée réussie.
Dans ces paysages hors du temps je fête mon réveillon avec des pâtes chinoises et tombe de sommeil enroulé dans mes vêtements pour contrer les 0° humides du lieu.




5ème et dernier jour



Des paysages en veux-tu en voilà ! Dernier col passé en une heure après m'être tristement réveillé dans les nuages quand j'attendais le plus beau des paysages pour ce premier jour de 2018. Mais il s'en est fallut de passer par dessus la montagne pour atterrir devant... ça :



Le vent et les nuages sur pressent contre les pics derrière moi et devant se dévoilent le Huascaran Norte et Sur, les deux plus hauts pics du Pérou. Devant, 1000 mètres de dénivelé qu'on descend ou grimpe avec un nombre de lacets incalculable. Ils débouchent sur une plaine d'altitude comme les ruisseaux venus du haut qui alimentent les lacs bleus dans son creux.







Tout autour, que des pics blancs. Dingue !
J'engage la plus grande descente, 2000 mètres de dénivelé pour arriver dans la plaine, sortir du parc, puis rejoindre la ville tout en bas. C'est parti !

A la sortie du parc, une brasserie locale tient pignon sur paysage, et ce fut ma première bière de 2019. Je termine en rejoignant Yungay. Je suis fatigué et les derniers 56 kilomètres se font dans un colectivos, ce soir je dors dans un lit.

Commentaires

  1. Bravo pour l'exploit, merci pour les photos magnifiques et le commentaire qui les accompagne et qui permet de bien vous suivre dans votre périple. Que le vaya bien! (Nadette, une amie de Kriss et Camille)

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  2. Merci pour les frissons.
    A côté, le tour de France cycliste c'est de la petite bière.

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  3. émue de lire ce magnifique reportage et bravo,Germain pour cette performence.
    meilleurs voeux pour cette nouvelle année débutée de cette mémorable façon mémorable.
    Bien affectueusement Marie


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  4. Canon cet épisode !
    Par contre si tu as bu ta première bière de 2017 au Parc Huascaran, c'est que tu es passé dans un autre espace temps ��

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    1. Merci beaucoup :)
      Le Huascaran a des effets insoupçonnés !!

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