Carnet de bord - El Angel

3500 m d’altitude.
15h45

Les nuages grisonnent et s’assombrissent et mes oreilles bourdonnent dans le silence d'El Angel.
j’ai vu une trace humaine en début d’après midi. La dernière.
maintenant nous ne sommes que deux, Edgar et moi, mais seuls, si seuls ! Ah si, un lapin et un écureuil, au creux d’un virage.
Autour de nous, rien que des steppes interminables et des vallons grimpant vers les montagnes.
Des nuages en coups de pinceaux s’accrochent à quelques volcans que nous ne voyons pas.
partout la nature se marie avec la lumière en une palette de couleurs.
Comme rien ne bouge, comme rien ne bruisse, ni le vent ni les herbes folles, plus rien ne me raccroche au temps. s’il file, il est parti seul et m’a laissé m’extasier parfois sur le même paysage... m’étant seulement déplacé de quelques mètres, où tout alors me paraît changer.

Je crois que c’est là la liberté. N’être dépendant de rien puisque nous avons tout ! Vous ne serez pas étonnés si je dis que la liberté se trouve dans les choses les plus prosaïques.
L'eau est filtré pour la consommation et la cuisine, nous avons un réchaud et de la nourriture, une tente pour dormir. Qu’est ce qui nous entrave ? Rien. Qu’est ce qui nous mène ? Nos envies et elles seules.

C’est grâce à ces envies de liberté que nous avions quitté ce matin, sur les coups de 11h (oui nous sommes matinaux), la petite ville frontalière de Tulcan.
En une poignée de minutes, s’enfonçant sur une piste défoncée dans la montagne, nous n’avions plus rien de la ville. la panaméricaine s’était tue, et seuls les animaux de quelques fermes piaillaient succinctement.
Nous avalions le dénivelé en serpentant entre les entraves de la piste sans grand effort : la vitesse n’avait plus d’intérêt puisque déjà s’ouvrait à notre droite le volcan Chiles que les nuages gardaient jalousement.

Alors que nous atteignions les 3400 mètres, que la piste ne devenait plus qu’une ligne boueuse, un terrain de jeu où nous exaltions a passer sans tomber et à éprouver les vélos avec plaisir, El Ángel est apparu.
J’ai poussé un cri, Edgar m’a pris pour un con, a fait quelques mètres et a compris.
Devant nous étaient apparues d’un coup des étendues interminables d’herbes et des montagnes au loin. Des plantes longues et étonnantes, parsèment le paysage, elles ne poussent qu’ici. Nous sommes sur une autre planète. Là un bosquet de pins, ici un ruisseau, partout la beauté.

Nous sommes dans le parc El Ángel, au nord de l’Equateur, sur la frontière colombienne. Une zone écologique préservée traversée par quelques petits chemins, et sur l’un d’eux on s’est enfilé, en espérant que ça dure le plus longtemps possible. Cette zone écologique est préservée car les longues plantes étonnantes que j'ai noté, sont en fait un incroyable écosystème. Appelées ici "Frailejones" ce plante grasses montantes capte l'humidité de l'air pour la relâcher en multiple petits ruisseaux qui gargouillent quand on s'en approche. Ainsi, le village d'El Angel et la vallée se targuent d'avoir "la meilleure eau du pays."

Vers 15:45 on s’est mis en tête de trouver un lieu de campement. Pas une mince affaire avec ces plantes acérées et ces arbustes rabougris qui tapissent le sol. La bas, en surplomb du chemin une petite terrasse d’herbe moelleuse m’appelle. Elle se mérite comme tout ici : portage de vélos et traversée de larges fossés et elle est à nous. 
Couché sur l'herbe épaisse, la plâtrée de riz / sardine avalée, j’écris ces lignes au chaud, le crépitement de la pluie berçant.
Nous sommes résolument heureux.




Les premiers virages dans le parc.





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