Carnet de bord - vendredi 12 octobre


J'écris d'un lit doux entouré de murs en béton froid et d'un toit en tôle percée. Au dessus de moi trône Jésus-Christ ; attention à ma plume.
Si froid que cela puisse paraître, l'odeur est chaleureuse. Des fenêtres percées me parviennent les brouhahas radieux de la rue, la sensation de salsa et les sons de joie.

                                          La petite maison et le bar attenant tenu par le père

Sur le coin du lit elle vient s'asseoir et de ses lèvres ridées sortent des palabres mâchées, à peine compréhensibles, mais si touchantes. Elle nous regarde avec des grands yeux cernés de noir et la gentillesse y transparait. Elle doit avoir 90 ans, c'est l'arrière grand-mère de notre hôte mais c'est sa maman qui nous accueille dans cette petite ville montagnarde.

Cajamarca, à 1860 mètres d'altitude, une grande rue, des quartiers horizontaux qui semblent pouvoir chuter à tout moment dans les ravins alentours. Au creux de toutes les montagnes, cette ville est centrale dans le pays. Du moins pour ses habitants, 22 000, qui se trouvent à equi-distance de Bogota, Medellin, Cali, le nord, le sud...

Mais l'atteindre se mérite comme un cadeau bien reçu. D'Ibagué, la capitale régionale dont nous sommes partis ce matin, 36 kilomètres de cotes quasi constantes font office du « j'ai été sage cette année », alors on vous offre le présent.

Une place vivante sur laquelle nous échouons, des glaces et quelques coups de frisbee avec les gosses du coin. Là une mère qui apprend à son fils à marcher, ici des ayeux riants, dans la lumière jaune de cette fin d'après midi, nous nous sentons bien.

Cette route est nommée la Linea, la pire de Colombie, les voitures la montent en première, les vélos ? On ne sait pas. La journée fut si intense, pourtant arriver ici n'est qu'un avant goût du reste et la Linea est à venir. Pour vous situer, nous quittons Bogota et Ibagué pour traverser une des deux cordillères des Andes de la Colombie, direction l'ouest. Il s'agit pour nous de la silloner en largeur, monter à 3000 et quelques mètres et redescendre. Une folie.

Les premiers coups de pédales en petit plateau nous semblaient abordables et la journée de repos précédente nous avait été si salvatrice que nous avions l'impression que rien ne pouvait nous stopper. Allant, les virages grimpants se sont corsés, et la vue continuelle de montées à chaque détours m'écrasait peu à peu le moral. Mais soit ! Nous avions partout de nouvelles beautés qui s'offraient, des ravins gris ou des pentes boisées, là des champs de bananier que les cultivateurs traversaient comme des chèvres de montagne.

La pause dans ce petit restaurant de routier révèle mon barbouaillage de ventre et ma fatigue. Les deux derniers tiers de la route n'en seront que plus durs.

Mais nous voilà sous l'aile de Linda, comment vous expliquer la gentillesse des Colombiens, immédiatement elle nous a pris dans ses bras, nous a offert le couvert et une boisson pour mon ventre.
Maintenant la nuit est tombée et je remarque que si je ne pense pas aux douleurs musculaires d'aujourd'hui, je n'ai tricoté sous mes paupières que des souvenirs beaux et positifs, qu'une nature verte et des sourires.

Nous repartirons, demain, ou peut-être un autre jour, mais enfin, le bonheur c'est de ne pas avoir d'impératif !


Germain

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