J'écris d'un lit doux entouré de murs
en béton froid et d'un toit en tôle percée. Au dessus de moi trône
Jésus-Christ ; attention à ma plume.
Si froid que cela puisse paraître,
l'odeur est chaleureuse. Des fenêtres percées me parviennent les
brouhahas radieux de la rue, la sensation de salsa et les sons de
joie.
Sur le coin du lit elle vient s'asseoir
et de ses lèvres ridées sortent des palabres mâchées, à peine
compréhensibles, mais si touchantes. Elle nous regarde avec des
grands yeux cernés de noir et la gentillesse y transparait. Elle
doit avoir 90 ans, c'est l'arrière grand-mère de notre hôte mais
c'est sa maman qui nous accueille dans cette petite ville
montagnarde.
Cajamarca, à 1860 mètres d'altitude,
une grande rue, des quartiers horizontaux qui semblent pouvoir chuter
à tout moment dans les ravins alentours. Au creux de toutes les
montagnes, cette ville est centrale dans le pays. Du moins pour ses
habitants, 22 000, qui se trouvent à equi-distance de Bogota,
Medellin, Cali, le nord, le sud...
Mais l'atteindre se mérite comme un
cadeau bien reçu. D'Ibagué, la capitale régionale dont nous sommes
partis ce matin, 36 kilomètres de cotes quasi constantes font office
du « j'ai été sage cette année », alors on vous offre
le présent.
Une place vivante sur laquelle nous
échouons, des glaces et quelques coups de frisbee avec les gosses du
coin. Là une mère qui apprend à son fils à marcher, ici des ayeux
riants, dans la lumière jaune de cette fin d'après midi, nous nous
sentons bien.
Cette route est nommée la Linea, la
pire de Colombie, les voitures la montent en première, les vélos ?
On ne sait pas. La journée fut si intense, pourtant arriver ici
n'est qu'un avant goût du reste et la Linea est à venir. Pour vous situer, nous quittons
Bogota et Ibagué pour traverser une des deux cordillères des Andes
de la Colombie, direction l'ouest. Il s'agit pour nous de la silloner
en largeur, monter à 3000 et quelques mètres et redescendre. Une
folie.
Les premiers coups de pédales en petit
plateau nous semblaient abordables et la journée de repos précédente
nous avait été si salvatrice que nous avions l'impression que rien
ne pouvait nous stopper. Allant, les virages grimpants se sont
corsés, et la vue continuelle de montées à chaque détours
m'écrasait peu à peu le moral. Mais soit ! Nous avions partout
de nouvelles beautés qui s'offraient, des ravins gris ou des
pentes boisées, là des champs de bananier que les cultivateurs
traversaient comme des chèvres de montagne.
La pause dans ce petit restaurant de
routier révèle mon barbouaillage de ventre et ma fatigue. Les deux
derniers tiers de la route n'en seront que plus durs.
Mais nous voilà sous l'aile de Linda,
comment vous expliquer la gentillesse des Colombiens, immédiatement
elle nous a pris dans ses bras, nous a offert le couvert et une
boisson pour mon ventre.
Maintenant la nuit est tombée et je
remarque que si je ne pense pas aux douleurs musculaires
d'aujourd'hui, je n'ai tricoté sous mes paupières que des souvenirs
beaux et positifs, qu'une nature verte et des sourires.
Nous repartirons, demain, ou peut-être
un autre jour, mais enfin, le bonheur c'est de ne pas avoir
d'impératif !
Germain
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