Carnet de bord - Vendredi 5 octobre


Jour 1, vendredi 5 octobre 2018, 7h50

Peu reposante, comme beaucoup des miennes en avion, la nuit faussée par le décalage horaire finit par glisser vers l'ouest.

Sous nos pieds se dévoilent les carapaces dentées du territoire colombien : des montagnes moyennes couvertes de vert, que scindent des rivières tortueuses.
Sur les quelques pentes travaillées par l'homme perlent des petites maisons perdues.

Tout à coup surgit par le hublot un éperon rocheux, si haut qu'il paraît nous faire chuter d'altitude. De sa hauteur, un plateau s'étend en une palette de vert aussi large que l'avancée des cultures et l'irrigation le permettent. Nous sommes au dessus de l'Altiplano cundiboyacense, le plateau de Bogota. C'est magnifique.

Je ne vais pas cacher l'inquiétude mêlée à l'excitation que m'ont procurés ces paysages, ils m'ont fait prendre conscience de ce que nous allions faire à vélo. De ce que signifiait vraiment ce voyage. J'ai passé les deux derniers mois à rencontrer des amis qui paraissaient bien plus excités que moi : je ne réalisais pas du tout. Les préparatifs s'enchaînaient mécaniquement sans assimiler que dans une semaine, ou deux jours, je serai en train de parcourir les rues encombrées de Bogota, respirer les fumées âcres et me rassasier des nuages lourds qui coulent sur les pans montagneux de la ville.

Mais soit, nous voilà sur le parvis de l'aéroport, il est 8 heures et nous prenons la première bouffée d'air colombien. Tout se met en branle, nous tirons les cartons vers les taxis et échouons à les charger...
Une heure plus tard, dans le grondement des décollages, nos deux vélos montés attendaient patiemment d'avaler leurs premiers kilomètres.

Tout gronde, tout grince, la route couine et les châssis cabossent, dans ce capharnaüm, deux gosses fendus de bonheur éprouvent leurs montures. Nous touchons du bout des orteils notre rêve savamment construit pendant un an, et la liberté se dévoile entre deux nuages de pollution.

Germain

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